Alfred Bonnardot découvreur de Raguenet

Publié le par Bloggesse

 

Si le lecteur du Rag'blog est parvenu jusqu'ici, le voilà mûr pour aborder le commentaire des tableaux de Raguenet écrit par Alfred Bonnardot en 1856 pour la Revue Universelle des Arts (1) . 

Qui est Alfred Bonnardot

Alfred Bonnardot (1808-1884) est un érudit qui s'intéresse à l'iconographie parisienne à l'époque où le Préfet Haussmann redessine la ville de Paris. En 1856, à 48 ans, Bonnardot publie une analyse de dix oeuvre de Raguenet passées en vente en 1850 : « Ce qui l'intéresse et qu'il analyse avec une science prodigieuse, c'est la valeur documentaire de cette oeuvre ; et il ne cherche pas à connaître son auteur » écrit Marie-Thérèse de Forges, dans sa biographie de Raguenet.

 

« M. Alfred Bonnardot, qui a signalé le premier les tableaux et le talent de Raguenet dans ses intéressants articles sur l'iconographie du vieux Paris ... »  
                            Louis Courajod, La famille Raguenet et le Chatelet de Paris,
                            Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Ile-de-France, 1878

« Jusqu'en 1856, Gault de St-Germain et Nagler étaient les seuls historiens d'art à avoir mentionné Raguenet, d'ailleurs d'une façon très brève. A ce moment, un érudit, le premier à se pencher sur l'étude de l'iconographie parisienne, Alfred Bonnardot, consacra des articles à l'oeuvre de Raguenet. Ce qui l'intéresse et qu'il analyse avec une science prodigieuse, c'est la valeur documentaire de cette oeuvre ; et il ne cherche pas à connaître son auteur. Il découvrit ce nom par la gravure de Legrand ''d'après une vue de l'Hôtel de Ville peinte par Raguenet'', et il assiste à la vente du tableau original ; partant de là, il remarque plusieurs toiles chez des collectionneurs et dans des ventes. Ayant noté qu'il existait ''jusqu'à trois reproductions du même tableau'', il conclut logiquement que Raguenet copiait ou faisait copier. Cette pratique, pourtant si habituelle au XVIIIe siècle, lui suffit pour avancer l'hypothèse que son atelier devait être une ''fabrique industrielle'' ; ce mot devait faire fortune.»

                                    Marie-Thérèse de Forges, Jean Baptiste Nicolas Raguenet,
                                    peintre de vues de Paris, 1715-1793
, Mémoire de recherche
                                    de 3e cycle, Ecole du Louvre, Paris, 1948

 

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                                     DIX VUES DE PARIS PEINTES PAR RAGUENET

«Je vais décrire ou mentionner, sous ce titre collectif, un assez grand nombre de tableaux attribués à ce peintre. Malheureusement les localités de Paris qu'ils représentent sont, à quelques exceptions près, trop modernes pour mériter d'occuper longtemps l'attention des archéologues. M. Defer, expert de nos ventes de tableaux et d'estampes, m'assure avoir lu au bas de plusieurs toiles la signature de Raguenet : celles-ci n'en portent aucune.

J'ai feuilleté en vain, dans l'espoir de trouver quelques notes sur cet artiste, les ouvrages sur Paris imprimés du temps il vivait : aucun ne cite ni son nom ni ses oeuvres. Peut-être les gazettes de la fin du XVIIIe siècle et les anciens livrets d'exposition fournissent-ils quelque détails sur Raguenet ; pour moi, je n'ai pas poussé plus loin mes recherches, car, après tout, les noms d'artistes m'importent peu, mon principal but étant l'explication de visu des oeuvres qui peuvent nous éclairer sur l'ancienne physionomie de notre capitale.

Raguenet, comme Canaletti, aimait spécialement à peindre des quais et des maisons qui se mirent dans une eau calme ou ondulée ; mais il ne possédait ni le moelleux de sa touche, ni la richesse de son coloris, unie à l'exactitude de l'ensemble et des détails. (Je parle ici des oeuvres originales de l'artiste italien, et non de ces fades imitations qu'on lui attribue pour peu qu'une ancienne toile reproduise un canal de Venise).

Les lignes des édifices de Raguenet sont en général trop dures ;
la couleur en est si chargée de bistre, qu'on a peine à deviner la nature de leurs matériaux. Du reste, il entend fort bien la perspective et sait donner à chaque détail une juste proportion ; ses personnages sont en général traités avec finesse et groupés avec
art. »  

Bains de la Samaritaine avr 1898 Trutat photographe

« Le vendredi 15 novembre 1850 ou 1851 (1), j'assistai, dans une des salles de vente de la rue des Jeûneurs, à l'adjudication de dix vues de Paris, peintes (sur toile), approximativement entre 1770 et 1775. L'expert, M. Defer, qui sans doute était bien renseigné, les annonça comme oeuvres de Raguenet. J'en aurais acheté volontiers deux ou trois, mais voici comment la vente en fut réglée : On mit sur table les deux tableaux les plus remarquables comme art, avec faculté à l'acquéreur de choisir parmi les autres un ou plusieurs couples, au prix d'adjudication. Les deux premiers mis aux enchères me séduisaient fort peu sous le rapport des sujets ; je les laissai adjuger, pour environ 180 francs, à M. Evans, qui prit le reste au même taux. M. Evans voulut les revendre en bloc, comme il les avait achetés, et non en détail, et il fit bien dans son intérêt. Le tout fut acquis par le propriétaire des bains de la Samaritaine (M. Javal, je crois), établissement qui appartient aujourd'hui à une société d'actionnaires.

Je viens de les revoir dans les salles d'attente de ces bains flottants, construits tout près de la place où s'élevait, sur la Seine, non loin du quai de l'École, l'édifice qui leur a donné leur nom. Je commencerai par la description des cinq tableaux placés dans la salle de gauche, au premier étage.

(1) J'ai pris note du jour et du mois, mais j'ai oublié l'année, qu'on pourrait retrouver en consultant d'anciens almanachs.
»

 

 

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La liste des tableaux commentés par Bonnardot

 

 1. La joute des mariniers

 2. L'Archevêché, l'Ile Saint Louis et le pont de la Tournelle (1750)

 3. Vue prise du quai de la Tournelle

 4. Le Pont-Neuf et la Samaritaine (1777)

 5. La rue de la Mortellerie, l'Ile Saint-Louis et le Pont Rouge vus de la place de Grève (ca.1750-1760)

 6. L'incendie de l'Hôtel-Dieu (1772)

 7. Vue prise du quai des Grands-Augustins

 8. Vue prise du quai Conti

 9. Vue prise du quai de l'Ecole

10. Passy vu de Grenelle (1757)

 

 

Notes :

(1) La Revue Universelle des Arts a été publiée de 1855 à 1866 par Paul Lacroix, Conservateur de la bibliothèque de l'Arsenal, et Camille Marsuzi de Aguirre, Industriel.

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